Days Gone : l'open world post apo de trop ?

Pour que les joueurs ne se détournent pas d’une console, les constructeurs comme Sony s’assurent de leur offrir sur les 12 mois de l’année et à des intervalles plus ou moins réguliers un titre exclusif qui vient soutenir le catalogue de jeux. Days Gone est l’un d’eux et s’ajoute aux déjà bien installés God of War et autres The Last of Us dont la qualité n’est plus à prouver.
Connu du grand public depuis l’E3 2017 et en gestation depuis plus de 6 ans, Days Gone s’aventure sur un terrain vu et revu : l’open world post apocalyptique, avec pour principale population des mutants, pour ne pas dire des zombies un peu énervés. Une prise de risque minimale sur le papier, à l’image d’à peu près toutes les facettes du jeu. Et pourtant, après quelques heures de jeu difficile, j’ai commencé à prendre du plaisir.
Si personnellement, j’ai toujours eu un faible pour les jeux en forêt, ce ne sont pas les charmes de l’Oregon qui ont permis à Days Gone de faire monter la hype à son sujet. Bend Studio a préféré miser sur la gestion de la foule et le comportement des mutants. C’est ainsi que l’on peut se retrouver au fil de sa progression face à des meutes puis à des hordes qui peuvent monter jusqu’à 500 mutants affichés simultanément à l’écran. Inspiré de l’effet masse de certaines productions type The Walking Dead ou World War Z, Days Gone parvient à créer un véritable sentiment d’oppression et de panique dès lors que l’on se fait courser. Ça fonctionne vraiment bien d’autant que le risque aurait été de constater un même patern d’animation utilisé sur de trop nombreux mutants, il n’en est rien. On s’y croit et on se fait littéralement dessus !
Balayer ces hordes de la carte demandera un minimum de préparation et de méthode mais resteront optionnelles en dehors de celles concernées par l’axe narratif du jeu (comptez en 3 sur les 40 au total).
Parlons-en justement de la narration. Days Gone essaie par tous les moyens de nous embarquer dans son histoire, en vain. Si la quête de Deacon, votre personnage, se résume à vivre avec la perte d’un être cher et sa survie dans ce nouveau monde, accompagné de Boozer son best friend, le fond du problème réside dans la construction scénaristique du jeu. Trop permissif, Days Gone donne un contrôle total sur la manière dont vous progressez. Si cette liberté est louable, elle dessert l’implication du joueur qui se perd en chemin en complétant les missions principales et secondaires liées par des arcs narratifs dont le lien n’est pas toujours très clair.
D’autres personnages secondaires, bienveillants ou non, viennent s’immiscer dans ce trio de tête rendant la chose encore plus brouillonne et ayant pour conséquence directe de freiner cette montée en puissance.
Les développeurs ont bien tenté de nous atteindre avec des moments d’accalmie, comme des balades en moto sur fond musical ou des flash-back qui relatent l’avant-invasion mais ce que l’on voit et entend à ce moment-là tranche radicalement avec le « nouveau » Deacon qui ne lésine pas sur les injures et peine à montrer un tant soit peu d’humanité. Difficile dans ces conditions d’éprouver une once d’empathie à son égard malgré sa bonne tête et ses souvenirs de motard.
C’est d’autant plus dommageable que Days Gone essaie d’aborder des sujets forts comme notre rapport à la souffrance mais les dialogues, parfois forcés, conjugués à une mise en scène trop convenue, n’encourage pas le joueur à s’impliquer émotionnellement.
Heureusement, les choses vont tout de même en s’améliorant sur le deuxième et le troisième tiers du jeu.

Vous l’aurez compris, Days Gone n’innove pas vraiment. Il essaie d’être un bon élève et c’est ainsi que l’on retrouve un terrain de jeu très vaste avec tous les codes de l’open world : des missions principales et secondaires, des objets à collecter, des événements aléatoires mettant en scène tantôt des maraudeurs, tantôt des animaux sauvages et des camps alliés éparpillés par secteur sur la map. C’est dans ces camps que vous allez pouvoir vous ré-approvisionner mais également acheter de nouvelles armes, améliorer votre moto ou taper une petite sieste. Ces camps fortifiés peinent à survivre et rencontrent par moment des attaques de l’extérieur, l’occasion pour vous d’accepter des jobs peu reluisants (comme nettoyer un campement de maraudeurs à proximité ou encore brûler des nids de mutants…) mais qui vous octroieront argent et confiance. Plus vous donnerez de votre temps à un camp et plus il vous le rendra (équipements plus sophistiqués, etc).
Autre intérêt à cela, l’expérience engrangée que vous pourrez dépenser en nouvelles compétences pour Deacon. Environ 40 compétences au total à débloquer qui permettent d’enrichir l’expérience de jeu.
Les objectifs à remplir sont rarement trépidant et l’IA des ennemis, mutants comme maraudeurs, montre rapidement ses limites. Malgré ça, les capacités de Deacon mêlées à la panoplie d’armes mises à sa disposition (arbalète, sulfateuse, cocktail molotov…) offrent de vraies bonnes sensations quand il s’agit d’opter soit pour une approche discrète, soit directement faire entendre sa présence et tout dézinguer.
S’installe alors une vraie tension, qui plus est quand différents types d’ennemis s’emmêlent. Je pense notamment à la Beuglarde dont le cri vient vous déstabiliser pendant quelques secondes.
Si on est parfois vite dépassé par les événements, le menu radial dans lequel on va se refaire une santé, un boost d’adrénaline ou constater que l’on n’a finalement plus de munition – ça m’est arrivé une paire de fois, on devient alors le roi de la fuite – ralenti le temps. On peut alors reprendre son souffle et revoir son plan d’action plus facilement. Son design est une franche réussite pour le coup !
Mais les affrontements se déroulent aussi bien sur votre bécane dès lors qu’il s’agit de courser des renégats pour empocher une prime. Au cœur du jeu, la moto de Deacon est bien évidemment modifiable. Vous pourrez ainsi booster ses capacités : réservoir, adhérence, turbo et j’en passe. Le hic, c’est qu’avant d’avoir une moto qui tienne un peu près la route, qui ne tombe pas en panne sèche tous les 2 mètres (mon côté sudiste) et qui donne de vraies sensations de vitesse, des heures de jeu seront passées… C’est d’autant plus dommageable qu’on prend un vrai plaisir à découvrir les charmes de l’Oregon cheveux aux vents !
Mais notre seul moyen de locomotion n’a pas fini de m’irriter, il faut aussi faire le plein ! Souvent, trop souvent.
Et c’est là où le bât blesse. Si la volonté d’offrir une expérience plus réaliste est louable, la capacité du réservoir est telle qu’il faut guetter sa jauge lors de chaque déplacement. C’est devenu rapidement ma hantise, non pas que tomber en panne à proximité de mutants ne m’effrayait, mais c’est plutôt la pénibilité à chercher un bidon d’essence (disposé la plupart du temps sur des dépanneuses abandonnées, encore une chance) qui devient rapidement irritant. Reste les stations essence mais encore faut-il pousser votre bécane jusque-là, merci mon chien.
Je résume ça à un problème d’équilibrage, je me suis donc rapidement résolu à faire le plein à chaque camp visité, moyennant finance cela va sans dire.

Days Gone peine peut-être à surprendre le joueur mais il a au moins le mérite de nous plonger dans une ambiance survivaliste dès plus réussie. Avec un cycle jour / nuit qui influe directement sur le comportement des mutants et son nombre, le joueur devra s’adapter aux situations, souvent en s’appuyant sur ce qu’il loot dans les maisons, voitures et autres camps. Le jeu encourage à l’exploration pour nous offrir autre chose qu’une approche frontale face aux mutants.
On peut également évoquer le Freak-O-System sur lequel a beaucoup misé Bend Studio. Il s’agit ni plus ni moins de donner vie à cet environnement, de créer des interactions inattendues entre animaux, pillards et mutants. Ça fonctionne vraiment bien ! Je me suis retrouvé à plusieurs reprises spectateur d’affrontements, ou mieux, d’en être à l’origine. Cela peut directement influer votre approche, un exemple parmi tant d’autres : rameuter un groupe de mutants aux portes d’un camp de pillards et les laisser faire le sale boulot. Ça parait anodin mais sur la quarantaine d’heures de jeu requises pour plier le scénario principal (qui se montre inutilement long selon moi), ce Freak-O-System apporte de la fraicheur tout du long.
Je terminerais ce voyage par une note sur la réalisation. Que l’on soit bien d’accord, Days Gone flatte la rétine. Les panoramas observés laissent de marbre et la gestion météorologique les embellit encore un peu plus. De ce côté-là, Days Gone n’a rien à envier aux plus grands. Malheureusement, la technique ne suit pas toujours et ce n’est pas le patch day one de 21 Go qui vont arranger les choses. Outre des bugs, j’ai relevé un framerate parfois en souffrance (les hordes n’arrangeant rien), quelques freezes mais surtout du clipping à moto, voire à de rares occasions, des pans de textures complets qui n’apparaissaient qu’après de longues secondes. Un constat suffisamment rare parmi les jeux estampillés Sony pour être souligné en tout cas.
Fort heureusement, ces faiblesses n’entachent pas vraiment l’aventure qui ravira les mordus de post apo !
Au premier abord, Days Gone déçoit on ne va pas se mentir. Il déçoit car trop académique sur un peu près toutes ses composantes. C’est seulement après plusieurs heures de jeu que l’on commence à apprécier son terrain de jeu ainsi que son gameplay. Si sa construction se veut résolument classique, Days Gone compense par une tension soutenue, amplifiée dès qu’une horde croise le chemin du joueur. Le jeu de Bend Studios reste une proposition post apo survivaliste sérieuse au contenu généreux, de quoi patienter jusqu’à un certain The Last of Us 2…