Detroit Become Human : une fenêtre sur notre futur

Heavy Rain sorti sur PS3 en 2010 a été la révélation pour moi, c’était la découverture d’un studio, d’un créateur qui cherchait à raconter son histoire différemment. Depuis ce jour, je suis avec attention Quantic Dream et c’est donc sans surprise que je me suis rué sur leur dernière production Detroit : Become Human.
Amorcée par une démo technique présentée en 2011, David Cage cachait bien son jeu et nous présentait ce qui serait alors son prochain bébé.
Un développement de plus de 4 ans embarquant de nouveau un panel d’acteurs hollywoodiens et des personnages au destin semé d’embûches dont vous seul aurez le contrôle.
Detroit : Become Human nous fait faire un bon dans le temps, en 2038. On y découvre la ville de Detroit qui se remet doucement de son effondrement économique et ce grâce à la multinationale Cyberlife qui en a fait son principal centre de production d’androïdes. Un contexte favorable pour l’entreprise dont les androïdes remplacent peu à peu les humaines dans les emplois les plus courant : réceptionnistes, médecins ou encore vendeurs.
Si leur fiabilité n’est pas remise en question par ceux qui les « emploient », leur intérêt publique fait débat. Le taux de chômage n’a jamais été aussi élevé et une partie de la population se soulève contre les androïdes. Dans le même temps, certaines machines développent une forme de conscience et adoptent des sentiments humains là où leur programme d’origine l’interdit. On les appelle les déviants.
Sans trop en dire, le jeu vous met dans la peau de trois androïdes dont le destin est étroitement lié. On retrouve Kara, femme au foyer, en charge de la petite Alice qui subit les sévices de son père. Markus est employé en tant qu’aide à domicile par un peintre reconnu qui le considère comme un être a part entière. Quant à Connor, il seconde les forces de l’ordre sur des scènes de crime dont celles en lien avec les déviants.

Tester un jeu narratif n’est jamais chose aisée car l’intrigue ne peut être révélée au risque de gâcher votre plaisir. Cependant, je peux vous dire que j’ai trouvé le scénario bien ficelé même si le titre a parfois tendance sur les premières heures à forcer le trait. Detroit : Become Human tombe parfois dans le cliché, là où on aurait apprécié une prise de risque plus appuyée du studio pour couvrir le sujet de la singularité maintes fois abordée au cinéma ou dans la littérature. Cela ne gâche pas pour autant notre plaisir tant le maillage entre les différents choix proposés dans les chapitres est dantesque.
Même si le sujet n’est pas dès plus original, il est habilement traité, soutenu par une mise en scène soignée comme sait si bien le faire Quantic Dream.
Cette mise en scène couplée aux choix entrepris, lourds de conséquence pour certains, ont suscité chez moi aussi bien un sentiment de joie que de tristesse. C’est bien là l’une des forces du studio, ne faire qu’un avec les personnes que l’on incarne.
Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est de constater que cette projection pourrait être notre avenir d’ici quelques années. L’univers dans lequel on évolue est parfaitement crédible, ceci grâce aux soins apportés aux choses qui, de prime abord, pourraient paraître futiles : devantures de magasin, publicités, habits, moyens de transport…
Je me suis même surpris à prendre le temps de lire tous les magazines trouvés sur mon chemin qui viennent renforcer ce sentiment de réalité en soulevant des questions relatives à la place des androïdes dans un contexte sportif, écologique ou bien géopolitique. Une ouverture sur ce que peut nous réserver l’avenir.
Un point sur la technique car malgré ce qu’en pense certains joueurs, les productions Quantic Dream sont bien des jeux vidéo.
Detroit : Become Human ne déroge pas à la règle, l’ensemble des scènes jouées donnent lieu à des animations particulièrement léchées. Merci au studio de motion capture qui permet aux équipes de filmer chaque séquence du jeu dans des conditions quasi-réelles pour les acteurs.
Quantic Dream a passé un nouveau cap, sans doute grâce à leur moteur de rendu maison, permettant de donner encore plus de crédit au rendu des personnages. Mon seul remord va pour la synchro labiale qui ne rend pas toujours hommage à la VF du jeu qui, pour le coup, s’en sort avec les honneurs. La priorité allant pour l’anglais et les acteurs étant eux-mêmes anglophones, ceci explique cela.

Je l’évoquais un peu plus haut, le cheval de bataille de David Cage est d’impliquer le joueur. Cela se traduit par des choix qui peuvent renverser le déroulement du jeu et voir disparaître des personnages clés.
Detroit : Become Human est découpé en chapitres comme pouvait l’être Heavy Rain. De nombreux chapitres connectés les uns aux autres que vous aurez loisir à découvrir en fonction de la manière dont vous jouerez votre aventure. Etre curieux, explorer, sympathiser avec un personnage d’apparence lambda pourrait avoir un impact direct sur le moyen ou long terme de votre partie.
Je ne me suis pas (encore) amusé à refaire des portions de jeu afin de constater si la promesse de Quantic était bien tenue quant à l’impact de nos décisions sur le déroulé de l’histoire. Mais force est de constater au vue des embranchements affichés à la fin de chaque chapitre que les joueurs du monde entier vivent bien des événements différents.
Alors oui, les personnages sont les mêmes pour chacun et certains choix ne se contentent que d’une ligne de dialogue alternative mais l’issue de ma partie aurait pu être tout autre !
Qu’elle soit dramatique ou joyeuse pour une partie ou l’ensemble de vos personnages, l’issue de Detroit : Become Human est régit par un nombre impressionnant de variables que seuls les trophy hunters ne craindront pas à explorer.
Detroit : Become Human est régit par un nombre impressionnant de variables
Contrairement à Beyond : Two Souls (et si ma mémoire ne flanche pas), les équipes de développement ont eu la bonne idée de matérialiser graphiquement le scénario de décisions mettant en exergue celles qui auraient pu vous mener vers une tout autre fin de chapitre. Grisés, ces embranchements ne révèlent pas leur nature mais sont plutôt une invitation à rejouer le chapitre différemment. Une démarche intelligente pour ceux qui souhaiteraient explorer en profondeur le jeu sans avoir à tourner en rond.
Autre nouveauté et non des moindres, là où Beyond : Two Souls affichait clairement le poids de nos décisions avant même de les avoir prise, Detroit : Become Human prend le contre-pied. Ainsi j’ai pris mes décisions en mon âme et conscience et l’ai payé par moment, mais c’est finalement ça qui rend Detroit BH si spécial. J’étais à la fois convaincu de ce que je voulais pour mes personnages et en panique à l’idée qu’il leur arrive malheur.
Que serait un jeu Quantic sans QTE (quick time event) ? Ils font bien entendu partie de la formule, toujours dans cette optique de placer le joueur dans des situations sous haute pression. Ces QTE, parfois chronométrés, ainsi que l’enjeu derrière chaque erreur ou mauvais choix potentiel – si tant est que l’on considère qu’un choix puisse être mauvais – place le joueur dans un état de panique.
Les QTE sont là pour dynamiser l’action mais le plus intéressant reste dans la manière de débloquer une situation, en cachant des preuves par exemple. Le joueur ne trouvera aucun réel challenge à relever en ces actions contextuelles mais elles ont le mérite d’avoir un impact potentiellement plus fort qu’un QTE raté.
Quantic Dream apprend et réalise avec Detroit : Become Human un jeu haletant qui ne se répète pas. On assiste à des scènes parfois épiques, parfois éprouvantes avec une intrigue qui tient le joueur en haleine pendant la dizaine d’heures nécessaires pour une première session.
Detroit : Become Human est le résultat de plusieurs années de travail, de recherches et de remise en question. David Cage et ses équipes nous livrent là leur œuvre la plus aboutie avec une réalisation de haut rang et un nombre incalculable de variations.
Plus que jamais, le joueur écrit son histoire.