Test PS4 de The Last Guardian : une poésie entachée par la technique

Depuis que j’ai une manette dans les mains, je ne crois pas avoir connu pareil scénario. The Last Guardian aura finalement trouvé le chemin des boutiques après 7 ans d’attente et d’incertitudes ! Ayant loupé à deux reprises la sortie d’Ico et de Shadow of the Colossus (version originale + la Classics HD), il était impensable que je passe à côté de la troisième création de Fumito Ueda.
Si 7 années ont passé, The Last Guardian a su préserver un certain mystère autour de son histoire. On y incarne un enfant qui se réveille dans une grotte sans la moindre explication, ni souvenir. Il y fait la connaissance de Trico, une créature difficile à décrire tant son design est singulier. C’est une fois soignée et libérée de ses chaînes par vos soins qu’une relation va naître entre vous et Trico. Cette confiance mutuelle va donner lieu à une véritable collaboration permettant de progresser dans un environnement en ruine où toute vie semble impossible.
Ce qui m’a choqué en premier lieu c’est le gigantisme du jeu. The Last Guardian nous transporte dans des lieux hors normes où plane une désolation certaine. Les environnements ont beau être vastes, je m’y suis senti rapidement oppressé jusqu’à la première rencontre. Ne souffrant pas de vertige j’ai pu apprécier comme il se doit les panoramas offerts par le jeu qui bénéficie d’une DA incroyable ! On ignore tout de ce qui nous entoure, des événements passés qui ont façonné ces lieux, ce qui provoque une vraie fascination pour ce monde et nous pousse à avancer.
le jeu bénéficie d’une DA incroyable
Émouvoir, c’est un peu la signature de Fumito. The Last Guardian y parvient sans mal avec des instants mémorables qui viennent ponctuer votre aventure même si l’on perçoit une certaine redite sur la fin. L’émotion est donc au coeur du jeu, encore plus dans le dernier acte, permise grâce à l’attachement de Trico pour l’enfant, et inversement. Ce périple est épuisant pour notre duo, les regards, les gestes échangés parviennent à montrer de vrais sentiments au même titre qu’avec votre animal de compagnie, si tant est que vous en ayez un (hors poisson rouge cela va s’en dire). A contrario, Trico, par son comportement – sous-entendez ses scripts – a réussi à m’agacer diminuant de fait l’impact émotionnel du jeu sur ma personne. Dommage !
Sur la petite quinzaine d’heures de jeu, vous serez amené à vous creuser les méninges pour sortir d’une succession de pièces/places. Le jeu est construit de cette manière et si vous n’adoptez pas sa logique, l’agacement vous gagnera rapidement. J’en ai fait les frais dès les premières heures de jeu. Sans demander une aide visuelle (comme peuvent le faire les 3/4 des jeux du marché aujourd’hui), la solution pour sortir n’est rarement la plus évidente et vous tombe dessus par hasard. Pas super gratifiant… Le level design m’a joué des tours à maintes reprises et certaines des actions requises m’ont paru illogiques, complexifiant inutilement certains puzzles.

Dépendant de la bonne volonté de Trico, vous allez devoir composer avec son intelligence artificielle qui, malheureusement, nuit à l’expérience de jeu. Je m’explique : malgré son état sauvage, les déplacements de Trico m’ont induit quelques fois en erreur ayant alors une influence directe sur comment appréhender telle ou telle énigme. Un exemple parmi d’autres : alors que je cherchais pendant plusieurs dizaines de minutes une solution à mon problème, voilà que Trico se décide à monter tout seul sur une corniche.
Cette incompréhension s’explique par des bugs de script causant une frustration importante chez le joueur, enfin chez moi en tout cas. On se retrouve alors esclave du game design nous faisant passer de l’état d’émerveillement à celui de l’agacement en boucle sur toute l’aventure.
The Last Guardian et la fight
The Last Guardian n’est pas un jeu violent, les combats sont suffisamment rares pour l’attester mais ont le mérite de mettre en lumière la complémentarité de notre duo. Au vue de son jeune âge, l’enfant s’en remet à Trico qui se chargera de mettre à mal toute menace qui se dressera sur votre chemin. Après quoi une petite caresse sera nécessaire pour calmer l’animal. Là encore, ces passages nourrissent directement la relation entre nos protagonistes qui, de part leur physique, se complètent habilement.
Le gameplay n’est pas en reste, lui aussi est directement lié à la relation entre l’enfant et Trico. Il vous sera possible de “commander” Trico, notamment lui ordonner via un bouclier miroir de lancer une décharge énergétique. EDF fait pâle figure à côté !
Trico reste partiellement autonome et se meut dans l’environnement jusqu’au moment où un obstacle lui bloquera la route. C’est là que vous intervenez (merci à vos 1m02) en activant un mécanisme sommaire lui ouvrant le chemin.

Reste le point sensible de la technique. On ne va pas se mentir, 7 ans de développement, ça se paie. A aucun moment j’ai été époustouflé comme j’ai pu l’être devant Uncharted 4 par exemple. L’aliasing n’aidant pas, un effet de surexposition tente maladroitement de cacher ses faiblesses, en vain. On pourrait aussi parler du framerate descendant quelquefois sous la barre des 10fps, mais finalement, la vraie question est de savoir si ces limitations nuisent vraiment à l’expérience de jeu ? A titre personnel, je n’y crois pas.
Un dernier mot sur la musique, elle porte l’aventure avec une bande originale composée par Takeshi Furukawa. Tantôt douce, tantôt mélancolique, les compositions sont toutes d’une justesse incroyable et habilement intégrées au jeu laissant la place au silence quand cela est nécessaire. Une vraie réussite qui aurait mérité une présence encore plus appuyée au cours du jeu.
J’aurai voulu vous dire que j’adore The Last Guardian, vraiment je le pense mais les problèmes remontés ci-dessus n’ont fait que gâcher l’émerveillement créé par l’univers de Fumito. Avec des énigmes sans valeur ajoutée, une caméra trop souvent aux fraises et des soucis de script mêlés à une IA pas toujours bien calée, il m’est compliqué d’en sortir enthousiaste.
Derrière ça j’ai pris une leçon d’art et mes oreilles en redemandent. Vous l’aurez compris, mon coeur balance.