Test de The Last of Us Part II : un voyage dont on ne sort pas indemne

Il y a 7 ans, Naughty Dog jouait gros en nous proposant de vivre une aventure poignante qui s’est achevée sur un plan. Un plan qui ne s’est jamais effacé de ma mémoire et qui laissait planer le doute sur la suite. Cette suite, le studio américain s’est attelé à nous fournir les réponses aux questions qui nous hantent depuis tout ce temps.
Et comme espéré (ou redouté, ça dépend de votre sensibilité), ces réponses se méritent. Joie, tristesse, souffrance, The Last of Us Part II n’est pas tendre mais a tant à offrir en contrepartie…
Pour remettre un peu de contexte et avec le recul nécessaire, The Last of Us n’était pas parfait malgré son statut mérité de chef d’oeuvre. Aussi bien son univers post apocalyptique sur fond de pandémie que son gameplay ne venaient bousculer le genre, c’est son histoire qui lui confère ce statut. Elle a touché bon nombre de joueurs et pour cause, outre un travail de fond sur ses personnages, c’est ce qu’elle raconte et comment elle se raconte qui fait briller ce premier épisode. Joel n’est alors qu’un père endeuillé qui peine à trouver un sens à sa vie lorsqu’il croise le chemin d’Ellie, considérée alors comme un simple “colis”. Ce statut changera au fil des événements jusqu’à faire naître un rapport père-fille avec ce que cela implique. Neil Druckmann, Creative Director sur le jeu, jouera de ce lien en nous confrontant à un monde hostile où les atrocités et la barbarie humaine sont devenus la norme. Dans ce contexte difficile où seule la survie compte, The Last of Us m’avait marqué par son juste équilibre entre émotion et cruauté, sans oublier la subtilité des dialogues dont seul Naughty Dog a le secret.

The Last of Us Part II reprend là où nous avait laissé le premier épisode, 4 années plus tard. En plus de raconter la suite des aventures de Joel et Ellie, le jeu décrit ce qui a pu se passer durant cette ellipse temporelle et ce en plus d’introduire un tout nouveau personnage central, celui d’Abby.
Dans Part II, on constate une vraie évolution de nos personnages, dans la manière dont il envisage leur nouvelle vie. Ils ont dû s’adapter, revoir leur manière d’appréhender l’avenir dans le seul but de survivre, quitte à aller à l’encontre de certains de leurs principes.
Dans cette suite, le conflit qui opposait les Lucioles aux forces militaires de la FEDRA laisse place à de nouvelles factions : les Scars dirigés par une bien mystérieuse prophète et le Front de Libération de Washington (WLF). Ce nouveau tableau permet au jeu de se détacher davantage de son aîné tout en instaurant un jeu de ping-pong entre Ellie et Abby. L’une des forces de TLoU 2, c’est l’empathie que l’on peut ressentir à l’égard des ennemis qui ne se contentent pas d’être de simples obstacles pour le joueur. Au cours du jeu, on comprend davantage ce qui les anime et ce pourquoi il se battent. Cela passe par une narration subtile et un passé crédible. Abby en est le parfait exemple, de prime abord, l’on pourrait croire qu’elle est animée uniquement par un désir de violence hors les heures passées en sa compagnie nous permettent de mieux la cerner et même, à ma plus grande surprise, de l’apprécier. Reconstituant au fur et à mesure les pièces du puzzle, le jeu nous fait réfléchir au sens même de nos actes.
Part II emprunte beaucoup au cinéma, notamment dans sa construction pour développer une nouvelle histoire d’amour sans pour autant mettre de côté la relation qui unie Joel à Ellie. C’est au travers de flashbacks qui ne laissent pas le joueur insensible que cette relation père-fille sera mise à l’épreuve. Ces séquences servent la narration du jeu et met en exergue avec finesse l’amour de Joel qui le conduira de nouveau au mensonge au détriment du sort de l’humanité.
Mais The Last of Us Part II ne vit pas pour autant dans le passé et peut compter sur de nouveaux personnages poignants. Dina notamment, jouée par Shannon Woodward (Westworld), qui tombera sous le charme d’Ellie. La justesse dans l’acting offre là encore de jolis moments de complicité entre les deux jeunes femmes qui viennent nous faire oublier le temps d’un instant la brutalité qui peut régner tout au long de leur périple de Jackson à Seattle.

Ce périple ne laissera personne indifférent tant le jeu est incroyablement beau et réaliste. Les environnements sont dorénavant plus ouverts en plus d’être plus riches et variés que dans le premier épisode. Le jeu a le secret de nous plonger tantôt dans des ambiances anxiogènes avec des passages exigus remplis de spores, tantôt dans des lieux où l’on se surprendra à s’arrêter littéralement tous les 10 mètres pour admirer le boulot titanesque des level artists sur la manière dont ils ont pu retranscrire un monde dévasté aux ponts effondrés, aux immeubles en ruine et à la nature foisonnante. Je crois bien avoir passé 1/5 de mon temps de jeu à observer ce qui m’entourait… et c’est sans parler des jeux lumières qui viennent sublimer l’ensemble. Artistiquement, la maîtrise est totale !
Les environnements, c’est une chose, mais qu’en est-il de leurs habitants ? Inutile de faire perdurer le suspens, les animations, notamment faciales sont criantes de réalisme (ça marche aussi pour les biches, chiens, etc). La peine, la joie, la douleur, bref, toutes sont reconnaissables et nous font ressentir cette même émotion. Contrairement à beaucoup de jeux, tous les personnages profitent de ce même soin, aussi bien lors de phases de dialogue qu’en recevant une beigne. Sans surprise, cet investissement sur la motion capture participe grandement à l’immersion et vient appuyer la narration. Dans la même veine, la gestion des dégâts offre une jolie palette de combinaisons avec du démembrement et, plus bluffant, des parties de visages arrachées à l’impact de balles.
Pour les déplacements, le jeu a gagné en souplesse. Ellie saute, se cache, glisse de manière tout aussi réaliste.
Sur d’autres aspects, Part II ne va pas se mettre en danger inutilement. La construction de l’aventure renvoie indubitablement au premier avec un périple d’un point A à un point B. Durant un peu moins de 30h, on passera de séquences écrites pour faire avancer l’intrigue à d’autres pour nous “occuper”, j’entends par là traverser une zone à risque peuplée soit d’infectés, de Scars ou de Wolfs. L’avantage ici est que leur mode opératoire à chacun est différent, ce qui influe de facto sur la manière dont vous appréhenderez tel ou tel affrontement. Je dis affrontement mais en vérité, on est tellement vite submergé lorsque l’on se fait repérer que le jeu nous encourage à prendre le temps et opter pour l’infiltration voir, pourquoi pas, la fuite.
Toujours dans cette quête de réalisme, The Last of Us souffrait par moment de situations où Ellie agissait de manière complètement exposée face à la menace, sans la moindre réaction de cette dernière. The Last of Us 2 corrige cela avec plus d’intelligence pour les compagnons qui partageront un bout de chemin avec vous. Dorénavant, leur comportement est nettement plus en phase avec ce qui se trouve devant eux. Mieux encore, ils seront de vrais soutiens dans les moments les plus difficiles. Je me suis notamment amusé à les laisser faire et à les confronter aux opposants, ils se défendent et ne sont pas en attente d’une action de votre part. Appréciable.
Il semble que rien ne soit laissé au hasard, la tension est constante, on retient souvent son souffle et ce n’est pas les superbes compo musicales de Santaolalla qui viendront vous aider dans ces épreuves, bien au contraire, mais c’est aussi pour ça qu’on les aime.
Le mixage sonore joue un rôle clé puisque la musique s’emballera dès qu’un ennemi vous aura repéré ou s’intensifiera simplement en fonction de la menace ambiante.
C’est une vraie partie de chasse qui s’installe, les humains maintiendront le contact entre eux pour vous traquer, en criant par exemple le nom de l’un de leur collègue découvert à terre. Il faudra ruser, jouer avec les forces de chacune des armes à votre disposition et progresser, tapi dans les hautes herbes ou sous des véhicules, pour en sortir indemne. Pas foncièrement révolutionnaire mais toujours aussi jouissif, j’ai provoqué à plusieurs reprises la rencontre entre une faction et des affectés, de quoi détourner leur attention et assister à un joli balai de morsures. Ça fait plaisir et permet d’économiser des balles, ce qui n’est pas un mal dans un monde post apo même si les loots restent légion (en difficulté normal).

Comme dans le The Last of Us premier du nom, ce loot sera nécessaire pour améliorer vos armes. J’ai dû fouiller pas moins de 500 tiroirs, 150 casiers et 250 placards pendant ma partie, scanner tous les recoins de chaque pièce fait partie de l’expérience selon moi. Des coffres dont la combinaison est à trouver ainsi que quelques énigmes primaires permettent de casser un peu cette monotonie.
Une fois les pièces trouvées, il suffira de trouver un établi qu’Ellie éclairera avant de custom un élément de vos armes. Un élément est désormais équivalent à une amélioration.
Le craft reste disponible en tout temps (surins, kits de soins, cocktails, etc) comme dans le premier ainsi que le changement d’arme qui m’a encore valu quelques frayeurs pendant des scènes d’action. Côté compétences, pas de révolution non plus, ce sera à la découverte de magazine papier au sol qu’Ellie débloquera de nouveaux skills, en lien avec ses sens ou sa résistance au coups par exemple.
Le gameplay, assoupli suite au premier épisode, ne permet toujours pas de locker son ennemi. On ne peut pas dire que cela m’ait vraiment perturbé bien que parfois, entouré de 3 ou 4 soldats, l’action devenait un peu plus confuse. Les esquives, plutôt facile à placer du fait du pattern commun des ennemis, contrebalance quelque peu. Cela n’enlève en rien à la tension que procure chaque affrontement d’autant que le jeu n’est pas punitif pour un sou, il est rare de s’énerver manette en main après une mort grâce au checkpoint transparent et très bien géré.
Difficile d’aller plus loin sans gâcher la surprise, j’en ai sans doute déjà trop dit. The Last of Us Part II est le digne héritier du premier. Le jeu est un quasi sans faute si tant est que vous êtes à même de lui laisser une chance de vous embarquer dans sa folle aventure. Au regard de la moyenne de notes Metacritic attribuées par les joueurs, on se rend compte que Part II n’est pas forcément là où les joueurs l’attendaient. J’ai moi-même été pas mal bousculé mais avec l’ouverture nécessaire, j’ai vécu l’une de mes plus fortes expériences vidéoludiques de ces dernières années. Le jeu joue continuellement sur nos émotions et retient notre attention jusqu’au dernier plan, malgré un dernier tiers sans doute un peu trop étiré.
Naughty Dog prouve de nouveau sa capacité à jouer avec différents genres, différentes émotions et toujours avec une justesse inimitable. The Last of Us 2 est un jeu intelligent, beau, tragique et profondément humain à la fois. Merci à eux.